La Symphonie en ut mineur (op. 65) est la huitième des 15 symphonies de Dmitri Chostakovitch, écrite durant l'été 1943 et créée le de cette même année par l'Orchestre symphonique de l'URSS sous la direction d'Evgeni Mravinski, à qui l'œuvre est dédiée.
Cette symphonie se situe dans la tradition des symphonies en ut mineur « de la tragédie au triomphe » entamée avec la Cinquième de Beethoven et poursuivie avec la Huitième de Bruckner et la Seconde de Mahler. L'ami de Chostakovitch, Isaak Glikman, a qualifié cette symphonie d'« œuvre la plus tragique » du compositeur.
Historique
L'œuvre a été écrite deux ans après sa Septième symphonie, dite « Léningrad », durant l'été 1943, près d'Ivanovo. Son sous-titre officieux est Symphonie Stalingrad, mais cette dénomination ne figure pas sur la partition publiée et a été rajoutée pour des raisons politiques.
La création en a été faite par l'Orchestre symphonique de l'URSS sous la direction d'Ievgueni Mravinski le . L'accueil est alors assez mitigé, les critiques considérant la partition un peu trop sombre alors que la guerre tournait nettement à l'avantage de l'Union Soviétique.
La création américaine a été faite par Artur Rodziński en . Le premier enregistrement de studio en a été fait par Evgeni Mravinski en 1947, mais Andreï Jdanov, proche de Staline, en interdit la diffusion à partir de 1948. La partition n'est réhabilitée en URSS qu'en octobre 1956.
« Cette symphonie vous remue, vous étonne, vous vainc d'un seul mot prononcé à voix basse. Un grondement furieux interrompu par une voix enchanteresse. Des coups de tonnerre interrompus par les danses macabres et les chansons des vivants. Le repos au bord d'un volcan... Les rêves d'avenir au milieu d'une pluie d'obus. Et, enfin, ce sont justement les chants de tendresse et l'avenir qui ont le dernier mot... Cette symphonie me semble être le chemin du bonheur au milieu d'affreuses tempêtes, et c'est aussi dans l'esprit de 1943. Et le bonheur que la passacaille et la pastorale du finale nous promettent, est un bonheur tout à fait naturel et convaincant. Ainsi l'œuvre dans son finale nous montre, comme l'exigeait Aristote, une crise qui correspond à l'épuration des passions... »
— Jean-Richard Bloch.
Structure
L'œuvre est légèrement plus courte que la Septième Symphonie, et comporte cinq mouvements, dont les trois derniers sont joués sans interruption :
- Adagio en ut mineur
- Allegretto en ré-bémol majeur
- Allegro non troppo en mi mineur — attaca
- Largo — attaca
- Allegretto en ut mineur
L'effectif orchestral est d'une section cordes classique, de quatre flûtes (dont deux piccolos), trois hautbois (dont un cor anglais), quatre clarinettes (dont une clarinette en mi-bémol et une clarinette basse), trois bassons (dont un contrebasson) ; quatre cors, trois trompettes, trois trombones, un tuba ; timbales et percussions (grosse caisse, caisse claire, cymbales, triangle, xylophone, tam-tam, tambourin).
L'exécution de l'œuvre dure environ 60 minutes.
Analyse
Adagio
Le premier mouvement est le plus long (près d'une demi-heure). Il est considéré comme une des conceptions les plus profondes du compositeur. Comme dans la Cinquième Symphonie de Beethoven, il commence par un motif joué fortissimo à l'octave, caractérisé par David Haas dans son étude comme le motif de la « destinée ».
Cependant, le motif est immédiatement remplacé par les deux sujets de caractère lyrique du mouvement de la structure sonate.
Allegretto
Le compositeur a décrit le second mouvement allegretto comme « une marche avec des éléments d'un scherzo ».
Allegro non troppo
Le troisième mouvement (généralement décrit comme une toccata,) est de nouveau court. Il y figure une citation intéressante (légèrement modifiée) de la Danse du sabre d'Aram Khatchatourian, composée l'année précédente.
Sur une opiniâtre série de noires qui parcourent tout le mouvement, « comme le tic-tac d'une gigantesque horloge » sur lequel le thème s'élève « les notes hurlantes des bois ».
Largo
Entamé sous forme de marche funèbre, le mouvement se transforme en passacaille qui résonne douze fois. Le compositeur devait réutiliser ce procédé de passacaille dans les années 1940, puisqu'on retrouve une passacaille dans le Trio op. 67 et le Premier Concerto pour violon.
Allegretto
Le mouvement commence par une pastorale faussement allègre, suivie par une mosaïque de petits épisodes, avec formellement des éléments de rondo et de sonate, avec une fugue logée au cœur. Parvenu au faîte de l'action, le thème du premier mouvement revient aux trompettes. Le finale s'achève pianissimo, avec une coda en forme de point d'interrogation, que Mravinski trouvait « raté » dans son caractère optimiste.
Y figure une autre citation intéressante (légèrement modifiée) du thème de l'oiseau du conte musical Pierre et le Loup de Sergueï Prokofiev, composé en 1936.
Discographie sélective
Notes et références
Bibliographie
- Pierre Souvtchinsky, La Huitième Symphonie de Chostakovitch, Paris, Les Lettres françaises no 96, , p. 7.
- Michel R. Hofmann, Dimitri Chostakovitch : l'homme et son œuvre, Paris, Seghers, coll. « Musiciens de Tous les Temps » (no 1), , 191 p. (OCLC 715397604), p. 115–117.
- Solomon Volkov (trad. du russe par André Lischke), Témoignage : Les mémoires de Dimitri Chostakovitch, Paris, Albin Michel, coll. « Grandes traductions », , 327 p. (ISBN 2-226-00942-6, OCLC 715855820, BNF 34635838)
- François-René Tranchefort (dir.), Guide de la musique symphonique, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », (ISBN 2-213-01638-0), p. 180–181.
- Krzysztof Meyer (trad. de l'allemand par Odile Demange), Dimitri Chostakovitch, Paris, Fayard, coll. « Bibliothèque des grands musiciens », , 604 p. (ISBN 2-213-59272-1, OCLC 416784692, BNF 36680359), p. 278–285.
- (en) Laurel Fay, Shostakovich: A Life. Oxford University Press, 1999. (ISBN 0-19-513438-9).
- (en) David Haas, « Shostakovich's Eighth:C minor Symphony against the Grain », dans Rosamund Bartlett (éd.), Shostakovich in Context, Oxford, Clarendon Press, , xviii-224 (ISBN 0198166664, OCLC 718210435)
- (en) Dmitri Shostakovich et Isaak Glikman Story of a Friendship: The Letters of Dmitry Shostakovich to Isaak Glikman. Cornell University Press, 2001. (ISBN 0-8014-3979-5).
- (en) Elizabeth Wilson, Shostakovich : A Life Remembered, Princeton, Princeton University Press, (ISBN 0-691-04465-1)
- (en) Richard Whithouse, Orchestre philharmonique royal de Liverpool (dirigé par Vasily Petrenko), « Symphonie no 8 », p. 2–4, Naxos 8.572392, 2009 .
Articles connexes
- Liste des œuvres de Dmitri Chostakovitch
Liens externes
- Ressources relatives à la musique :
- AllMusic
- Carnegie Hall
- MusicBrainz (œuvres)
- (en) Anniversaries : Dmitri Shostakovich Born 110 Years Ago
- Portail de la musique classique
- Portail de la culture russe



